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Sahel: les djihadistes sont-ils si nuls?

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Bons soldats, mauvais stratèges. C’est à cela que l’on pourrait résumer les agissements des islamistes du Sahel au vu des évènements de ces dernières semaines. En attaquant successivement le centre du Mali puis l’Algérie, ils se sont exposés à une terrible contre-offensive.

Ansar Dine : le bâton pour se faire battre

Rien de tout cela ne serait arrivé, dit-on, si seulement les troupes d’Iyad Ag Ghali n’avaient décidé de s’attaquer à la ville de Konna au centre du Mali le 7  janvier dernier.

La tentative de déstabilisation du pouvoir malien, voulue par le groupe Ansar Dine (les défenseurs de la foi), n’aura eu comme seul effet que de précipiter l’intervention militaire française, jusqu’ici pourtant prévue au printemps.

Une terrible erreur stratégique qui a plongé le Nord-Mali dans un chaos dont il est difficile aujourd’hui encore de deviner l’issue.

Mais pourquoi diable les adorateurs de la charia se sont-ils précipités sur le centre du Mali, alors qu’ils pouvaient jouer la montre et conserver leur mainmise sur le nord durant encore plusieurs mois ?

Les différents commentateurs ont tous reconnu la possible erreur d’appréciation d’Iyad Ag Ghali, chef de guerre égocentrique et ambitieux, qui pensait pouvoir s’imposer dans les négociations avec Bamako en poussant l’armée malienne dans ses retranchements.

Difficile pourtant de croire un seul instant que la France aurait pu rester sur ses positions alors que le Mali tout entier semblait en péril.

L’Algérien Mokhtar Belmokhtar, chef des « signataires du sang », et le Malien Iyad Ag Ghali, chef d’Ansar Dine. Captures vidéos

Mokhtar Belmokhtar, l’enfant terrible d’Aqmi

El Mouwakaoune bidam, les signataires de sang, semblent à leur tour avoir commis une grossière erreur stratégique en s’attaquant le 16 janvier au complexe gazier de Tiguentourine près d’In Amenas, à l’est de l’Algérie.

Une prise d’otage massive voulue par Mokhtar Belmokhtar, l’enfant terrible d’al-Qaida au Maghreb Islamique, scissionniste affirmé condamné à mort par contumace en Algérie.

A leur tour, les signataires de sang ont déclenché une tempête qu’ils ne semblent pas pouvoir affronter, poussant les autorités algériennes à réagir vivement à leur agression. Bombardements, forces spéciales: tout est désormais mis en œuvre pour tuer dans l’œuf cette tentative hasardeuse.

L’Algérie, première puissance militaire de la région qui partage en outre plus de 1400 kilomètres avec le Mali, était pourtant réticente à l’idée d’une intervention militaire pour déloger les islamistes qui contrôlent certaines localités du Nord-Mali.

Jusqu’à ces derniers jours, la position d’Alger n’avait guère évoluée. Outre un accord pour que la flotte française puisse survoler son territoire, l’Algérie n’avait pas sensiblement fait part de son aversion pour les islamistes d’Aqmi au point de les combattre directement.

Rappelons que ces derniers exercent une pression virulente et toute particulière sur les autorités algériennes. Ils sont en effet issus de la mutation des groupes salafistes radicaux algériens nés dans les années 1990 et 2000 (GIA puis GSPC), et sont encore aujourd’hui dirigés par des  «émirs» algériens.

En quelques sortes, les autorités algériennes avaient jusqu’à présent tout intérêt à laisser pourrir la situation au Mali plutôt que de vouloir se confronter directement aux islamistes. Tant qu’ils agissaient au Nord-Mali, ils n’étaient pas en Algérie.

Oui mais voilà, la prise de Tiguentourine par la katiba de Mokhtar Belmokhtar a poussé a leur tour les autorités algériennes à affronter les djihadistes. Un bien mauvais calcul de la part des islamistes armés.

Pourquoi cette précipitation ?

Plusieurs pistes ont été évoquées pour expliquer l’action des islamistes ces dernières semaines.

Outre la volonté d’Ansar Dine de s’imposer comme un interlocuteur privilégié dans les négociations sur le Nord-Mali, on parle désormais de l’attaque de Tiguentourine par Mokhtar Belmokhtar comme l’œuvre d’un homme en perte d’influence, désireux de s’imposer à son tour comme l’un des principaux acteurs d’al-Qaida dans la région.

Des théories tout à fait réalistes et acceptables, qui omettent toutefois un point déterminant pour comprendre les agissements des djihadistes observés ces derniers jours : et si, pour ces combattants, le nerf de la guerre était la guerre elle-même ?

Et si leur désir et leur besoin de combattre l’emportaient finalement sur leur volonté de diriger une région ou même un état ? Piètres gestionnaires, les troupes djihadistes ont eu du mal, on le sait, à s’organiser et à structurer durablement les territoires qu’ils avaient conquis au nord du Mali.

Financièrement comme politiquement, leur barque ne tenait pas suffisamment la route pour pouvoir, à elle toute seule, justifier tant de sacrifices et d’efforts accomplis depuis le début des années 2000.

Ces hommes sont en effet avant tout des combattants, des guerriers, qui connaissent depuis leur jeune âge les camps d’entraînement dans les montagnes afghanes et le maniement de la kalachnikov. Ils n’ont vraisemblablement pas été formés à administrer, ni à diriger. Mais plutôt à combattre.

Ambroise Védrines

 

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